L’OCDE s’alarme du recul du financement public dédié à la recherche-développement
Les Echos : 09/12/2016
La part du financement de la R&D des Etats diminue, la part de celle des financements privée est appelée à croitre sous peine d’un recul de l’innovation.
Richard Hiault
L’innovation n’est plus l’apanage des pays riches. Leurs dépenses publiques de R&D baissent.
Les dépenses publiques de recherche-développement (R&D) dans les pays de l’OCDE ont reculé en 2014. Une première depuis 1981, année où ces données ont commencé à être collectées. Dans son rapport biennal sur les perspectives de la science, la technologie et l’innovation, publié jeudi, l’Organisation tire la sonnette d’alarme. Certes, les capacités mondiales de R&D ont doublé en quinze ans, a constaté Sandrine Kergroach, experte en innovation à l’OCDE lors d’un atelier de l’Ajef, lundi au siège de l’organisation. « Mais le recul des financements publics pour l’innovation est appelé à perdurer », a-t-elle mis en garde. Que ce soit aux Etats-Unis, en France, au Royaume- Uni, en Allemagne ou encore en Israël, les budgets publics de R&D rapportés au PIB sont en repli. « Les Etats-Unis, qui comptent le système de recherche publique le plus important au monde, ont enregistré la plus longue baisse pluriannuelle de financement fédéral de la R&D universitaire depuis le début des années 1970 », relève le rapport.
A contrario, les pays émergents, et en particulier la Chine, prennent de plus en plus d’importance. Aujourd’hui, 35 % de la recherche publique mondiale vient des pays non OCDE. L’avenir ne s’annonce pas rose. Dans de nombreux pays industrialisés, le vieillissement démographique et la faible croissance économique pèseront lourdement sur ce type de dépenses dans les 10 à 15 ans à venir. « Il est même possible que la hausse programmée des dépenses de santé et des retraites se fasse au détriment de l’investissement public en R & D », s’est inquiétée Sandrine Kergroach.
Concurrence fiscale
Face à cette tendance lourde, les entreprises prennent de plus en plus d’importance. Leurs dépenses de R&D « ont plus progressé que celle du secteur public en période de croissance économique ». Pour l’heure, les besoins sont financés par les industriels eux-mêmes à hauteur de 86,5 % en moyenne dans l’OCDE. Mais l’aide publique envers les entreprises est en augmentation depuis dix ans. Les dispositifs fiscaux de plus en plus généreux à l’instar du crédit d’impôt recherche en France prennent de l’importance. Que ce soit en Belgique, en Irlande, en Turquie, aux Etats-Unis et en Chine. Ils représentent 33 % de l’aide publique accordée aux entreprises pour leur R&D en moyenne dans l’OCDE. Ce type d’aides constitue même une arme de concurrence fiscale pour attirer les investissements des entreprises.
Cette tendance n’est pas sans soulever des questions. Bien que les entreprises continueront de miser sur l’investissement incorporel et l’innovation pour des raisons de compétitivité, l’OCDE n’exclut pas que la hausse de leurs dépenses de R&D marque le pas, voire s’arrête. Elle cite notamment leur penchant à vouloir créer avant tout de la valeur actionnariale à court terme plutôt que de se lancer dans des projets risqués et investir dans des activités de recherche.
L’OCDE rappelle cependant que nombre d’innovations n’auraient jamais vu le jour sans la recherche publique : système GPS, format MP3 de stockage des données, reconnaissance vocale utilisée entre autres par l’application Siri d’Apple. Aussi, pour l’organisation, les systèmes scientifiques relevant du secteur public continueront d’apporter une contribution au développement de savoirs et de compétences. Mais ils vont devoir eux-mêmes s’adapter à un nouvel environnement lié à l’expansion d’Internet, la numérisation et l’ère de l’open data. La recherche publique ne fera pas l’économie d’une adaptation de ses méthodes, de ses instruments et de ses compétences.
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