L’Actionnariat des salariés dans les sociétés françaises : Une solution d’avenir ? (01/12/2009)

Thèse de :

  • Mme AUDARD Lorène
  • BACHELARD Amélie

Prix-ASF-2009-actionnariat-des-salaries-dans-societes-francaise

Notre synthèse

La première conclusion qui s’impose suite à nos analyses aussi bien qualitatives que quantitatives est la suivante : pour que l’actionnariat salarié ait un quelconque impact sur les performances et la création de valeur de l’entreprise, il faut qu’il soit significatif dans sa globalité, c’est-à-dire aussi bien sur le plan financier que sur le plan de la gouvernance d’entreprise.

Si l’on s’attache à certains points en particuliers, on remarque que :

· Souvent implantés pour accroître la motivation des employés et renforcer leur implication au travail, les plans d’actionnariat salarié semblent effectivement en mesure d’améliorer les performances individuelles, notamment lorsque le pourcentage de capital détenu dépasse le seuil de 5% ;

· Contrairement à certains arguments avancés, l’actionnariat salarié ne se positionne pas comme un outil de protection du capital d’une société, contre une éventuelle OPA, les professionnels de la fusions-acquisitions confirmant ainsi l’avis des directeurs financiers à ce sujet ;

· Les constatations des différentes professions interrogées, en matière de performances économiques et financières, tendent à se vérifier dans les chiffres analysés. Ainsi, s’il s’avère que pour certaines entreprises les résultats ont sensiblement été améliorés, pour la grande majorité cette progression est limitée et dépend du secteur étudié.

· Si les dirigeants financiers affirment que les capitaux apportés par l’actionnariat salarié servent en priorité à la consolidation du passif de leur entreprise, les taux d’endettement observés sur les sociétés du SBF 120 ne tendent pas à confirmer cette tendance;

· La valeur de l’entreprise considérée ne semble pas être affectée par la présence ou l’absence d’actionnariat salarié. De même, la corrélation entre création de valeur (calculée à l’aide du ratio MVA) et actionnariat salarié ne se vérifie pas pour toutes les sociétés analysées : elle parait dépendre du secteur considéré.

· La question de la gouvernance d’entreprise rassemble les opinions des dirigeants et professionnels de la fusion-acquisition : ils estiment que les employés actionnaires sont peu impliqués dans la gestion de leur société. Pour les présidents d’associations, ceci tiendrait majoritairement au fait que ces salariés sont relégués à un simple rôle d’observateurs. Trop rares sont les entreprises qui laissent leurs employés contribuer à l’apport de nouvelles perspectives.

Nous avons au travers de nos lectures et de notre étude pu faire apparaître un point capital sur le lien entre actionnariat salarié et création de valeur: contrairement à la croyance première, l’actionnariat salarié dans son aspect financier n’est pas une cause de la performance des entreprises mais une conséquence. Ainsi, les entreprises déjà performantes mettent en place ces plans comme une rémunération complémentaire des salariés. La mise en place d’actionnariat salarié peut agir sur la motivation des salariés et légèrement augmenter leur productivité mais son effet reste limité à grande échelle. De plus, la création de richesse au sein de l’entreprise fait davantage partie de la stratégie du Top Management que de la productivité du salarié lambda. Ainsi, l’actionnariat salarié est efficace au niveau de la direction mais ces effets sont peu significatifs au niveau de l’ensemble des salariés.

L’actionnariat salarié, s’il n’amène pas à une implication du personnel dans la gouvernance de l’entreprise, reste donc une diversification des revenus. Le salarié voit alors son revenu augmenter mais doit aussi supporter un double risque d’apport en capital humain et financier.

L’actionnariat salarié n’aura en outre d’effets sur la productivité du personnel que si le Top Management et les Ressources Humaines se soucient de valoriser les plans en communiquant sur les résultats, sur les évènements qui impactent le cours de l’action : développer l’aspect gouvernance est donc le seul moyen d’impacter positivement l’entreprise.

En cette période de crise, on remarque deux thèses sur l’actionnariat salarié. Certains montrent qu’il continue son essor, d’autres soulignent que s’il y a croissance de ce type de plans, celle-ci est nettement ralentie. Ces personnes ne parlent en fait pas du même aspect de l’actionnariat salarié. En effet, l’aspect gouvernance, quand il est mis en place, favorise une cohésion en temps de difficultés économiques ; l’aspect financier, quant à lui, rend les entreprises davantage sensibles aux fluctuations de leur activité puisque, lorsqu’une entreprise est soumise à de fortes turbulences (OPA ou OPE hostiles, irruption de nouveaux concurrents à bas coûts, problématiques de délocalisation…),

les intérêts financiers entre dirigeants (qui sont souvent de gros porteurs) et salariés (petits porteurs) divergent régulièrement et accentuent les effets de crise. Ainsi, de récentes études (dont celle d’Hewitt Associates parue dans La Tribune du 28 avril 2009) montrent qu’en temps de crise 55 % des grandes entreprises (au sein du CAC40 et du SBF 120) ne lanceront pas de plans d’actionnariat salarié. Celles-ci expliquent leur décision par un contexte économique défavorable. Cela prouve que l’actionnariat salarié n’est pas encore considéré par le Top Management comme un outil de création de valeur et de dopage des performances mais bien comme un plan dont les salariés peuvent profiter quand l’entreprise est saine.

Aujourd’hui, l’actionnariat salarié n’est donc pas un outil financier mais un outil managérial. Il permet de motiver les salariés et de les fidéliser en améliorant leur implication et leurs revenus. L’actionnariat salarié ne peut être créateur de richesse tant que nous resterons dans le schéma actuel d’une participation quasi nulle du salarié à la gouvernance de l’entreprise. Seule une prise de participation réelle du salarié peut permettre à ce plan d’influer sur la performance de l’entreprise.

L’actionnariat salarié n’aura pas d’effets réels tant que :

· le pourcentage de capital accessible aux salariés restera insuffisant pour produire une réelle incitation et des effets positifs significatifs et durables;

· les plans d’actionnariat des salariés resteront mis en place par les dirigeants désirant davantage l’enracinement que la performance. L’actionnariat salarié aura donc toujours un impact faible et complexe sur les résultats tant qu’il sera vu comme un outil financier. La possibilité d’une corrélation véritable ne pourra être envisagée que lorsque l’actionnariat salarié sera considéré par les instances dirigeantes d’un point de vue social.

Afin de prolonger notre étude, il serait intéressant de voir si le CMPC des entreprises concernées par l’actionnariat salarié est moindre que celui des autres sociétés. En effet, peut-être les salariés ont-ils de moindres espérances de rendement que les actionnaires « traditionnels » ; ainsi, l’actionnariat salarié serait le financement idéal pour l’entreprise, entre coûts peu élevés et indépendance financière.

Si cette étude venait à être rendue possible par un accès simplifié aux données des entreprises, nous pourrions être en mesure de savoir si l’actionnariat salarié peut se placer en tant que moyen de financement d’avenir. En attendant, il ne se définit que comme un outil managérial d’avenir.