De Gaulle, Conférence de Presse du 28 Octobre 1966
Extrait :
Le changement qu’il faut apporter à la condition ouvrière, c’est l’association active du travail à l’œuvre économique qu’il contribue à accomplir. Je sais bien qu’à cet égard-là aussi, dans cette voie-là aussi, quelques pas ont déjà été franchis. Bien que la réalisation n’en soit encore qu’à ses débuts, on peut même dire que le cap du principe et maintenant dépassé. C’est quelque chose en effet que d’avoir en 1945 institué les comités d’entreprise. C’est quelque chose que d’avoir par une loi de 1964 étendu leurs attributions. C’est quelque chose que d’avoir par une ordonnance de 1959 incité matériellement les entreprises à intéresser le personnel au bénéfice, au capital et à la productivité. C’est quelque chose d’avoir prévu dans la loi tout récemment que les travailleurs, dans certains cas, auront droit à une part capitalisée des plus-values du capital. Mais à l’échelon de la Nation aussi, c’est quelque chose que d’avoir inauguré la politique des revenus avec le cinquième plan, politique par laquelle les salaires s’élèvent en moyenne en même temps que le produit économique global. Je ne dis pas au même niveau ni à la même vitesse, je dis en même temps. Et vous savez ce que veux dire. Car il y a tous les prélèvements à faire subir pour toutes espèces de raisons qui font que le taux de l’un et le taux de l’autre ne peuvent pas être rigoureusement égaux. C’est quelque chose aussi, à l’échelon de la Nation, que d’avoir introduit les syndicats dans les instances qui élaborent les données économiques et sociales de la politique de l’Etat. C’est quelque chose que d’avoir organisé l’éducation nationale de telle sorte que désormais tous les enfants de France auront leurs chances complètes dans les études, depuis le début jusqu’à la fin. Mais il reste à fixer les voies et les moyens par lesquels, légalement, la part des travailleurs et du même coup leur responsabilité dans les progrès des entreprises seront définies étant donné qu’ils y ont participé, qu’ils y participent par leurs efforts et par leurs capacités. Il va de soi qu’une réforme pareille, qui consiste à bâtir ou plus exactement à achever un support nouveau de notre édifice économique et social, cette réforme ne saurait ébranler les deux autres piliers qui sont l’investissement nécessaire des capitaux pour l’équipement des entreprises, et d’autre part l’initiative et l’autorité de ceux qui ont à les diriger. Il va de soi, du même coup, que cette réforme comporte elle aussi à son tour des études, des choix et des délais. Mais il faut la vouloir, la décider et la déclencher.